Condamnation





De Cambridge à Bletchley Park, Turing ne faisait aucun mystère de son orientation sexuelle ; ouvertement homosexuel, il ne cachait pas ses aventures. Il était d'ailleurs loin d'être le seul. En 1952, sa maison de Manchester est cambriolée. Turing porte plainte. Arrêté, le cambrioleur dénonce le complice qui lui avait indiqué l'affaire, un ex-amant occasionnel de Turing. Celui-ci ne nie pas cette ancienne relation. Tous deux sont inculpés d'« indécence manifeste et de perversion sexuelle » d'après la Criminal Law Amendment Act (1885). Quelques années plus tôt, ce n'aurait été qu'un fait divers. Mais, au début des années 1950, une affaire retentissante d'espionnage scientifique au profit de l'Union soviétique où sont impliqués des intellectuels anglais homosexuels surnommés les Cinq de Cambridge a rendu les services de contre-espionnage britanniques et américains sensibles à un « profil » comme celui de Turing. Le procès est médiatisé. Hugh Alexander fait de son confrère un brillant portrait, mais il est empêché de citer ses titres de guerre par le Secret Act. Turing est mis en demeure de choisir : incarcération ou castration chimique réduisant sa libido. Il choisit le traitement, d'une durée d'un an, avec des effets secondaires temporaires (le coureur à pied svelte qu'il était devient gros, impuissant, ses seins grossissent comme ceux d'une femme), et surtout des effets psychiques profondément démoralisants Alors qu'il a été consacré, en 1951, en devenant membre de la Royal Society, à partir de 1952 il est écarté des plus grands projets scientifiques. Toutefois, en avril 1953, la « cure » se termine, ses effets s'estompent et Turing recommence à faire des projets de recherche, de voyages en France et en Méditerranée.